Les Cendres de l'Éternité

Performance à La Galerie Le Lieu Multiple à Montpellier le 4 juin 2015

Performance lors du vernissage de l’exposition « La collection d’un amateur d’art éclairé marseillais ». Galerie le lieu multiple Montpellier proposait l’accrochage de la collection intime de Jean-Louis Marcos.

Jean-Louis Marcos est décédé fin septembre 2012. Je faisais partie de sa collection en tant que performeuse.
Les Cendres de l’éternité est la dernière d’une trilogie sur la vie, sur la mort, sur l’art salvateur.
Les photos sont de Zoi DAVARI

Les mots de Jean-Louis Marcos :

Il y a tant de raisons, de motifs et de circonstances à collectionner l’art que je peux seulement essayer d’établir une sorte de liste. Forcément réductrice, fragmentaire, inachevée.

Je collectionne l’art parce que j’aime me réveiller, me gratter les orteils, remplir une feuille de sécurité sociale, manger du poisson, lire Montaigne, téléphoner en Angleterre et me brosser les dents face à lui. Comme toutes ces choses posent souvent des problèmes dans les musées et dans les galeries, le plus commode est d’avoir de l’art chez soi.
Je collectionne l’art pour le plaisir du pari d’avoir raison avant les autres.
Je collectionne l’art parce que je suis amoureux de ces belles florentines qui n’existent plus que dans la peinture.
Je collectionne l’art pour troubler les béotiens qui viennent quelquefois dîner chez moi.
Je collectionne l’art parce que j’aime l’art.
Je collectionne l’art parce qu’il est une des plus fortes présentation du rêve. Un des lieux rares où apparaissent les images des 10 000 magies et de leur infini pouvoir souple.
Je collectionne l’art pour rêver que je serai riche dans quarante ans.
Je collectionne l’art parce que je suis ami avec des artistes.
Je collectionne l’art pour avoir mon nom écrit en petits caractères dans un catalogue de vente du XXII ème siècle.
Je collectionne l’art parce que la vie est meilleure avec lui.
Je collectionne l’art parce qu’il est souvent difficile à regarder vraiment, les yeux ouverts.
Je collectionne l’art parce que les animaux n’en font pas.
Je collectionne l’art parce qu’en 1974 j’ai rencontré un contrebandier près de la frontière qui sépare la Guinée de la Côte d’Ivoire.
Je collectionne l’art parce qu’il dure souvent plus que la vie.
Je collectionne l’art pour distraire l’employé qui vient relever le compteur d’électricité.
Je collectionne l’art parce qu’il est capable, quelquefois, de se battre contre mon malheur.
Je collectionne l’art parce qu’il est capable, souvent, d’être l’allié de mon bonheur.
Je collectionne l’art parce que j’aime bien être le premier à acheter quelque chose à un jeune artiste.
Je collectionne l’art parce qu’en 1961 j’ai vu mon père avoir les larmes aux yeux devant une toile de Picasso.
Je collectionne l’art parce qu’il est capable de jouer avec le temps.
Je collectionne l’art parce que c’est une drogue dure dont il est difficile de se désintoxiquer.
Je collectionne l’art parce qu’il me supporte sans rechigner.
Je collectionne l’art parce qu’il est infini.

Jean-Louis Marcos  (1990 )