T’enlacer me déchire

Montalivet dans le Médoc. La forêt qui borde l’Océan. Les troncs tordus par les vents.
Juillet 2011, un départ de feu – Des arbres calcinés. Je pars constater les dégâts.
Le vent est violent, l’orage menace. Comment montrer le vent, comment raconter sa force et sa violence ?
Et comme une évidence : le voile bien sûr. Le voile qui dansera, volera s’enroulera et embrassera ces troncs, ces corps entrelacés. …
Apparitions, présences, vie, mort, exode, sensualité et peu à peu la vie qui se dissout dans le blanc.
Cette série est issue d’échanges entre mes images et le poème de Valérie Péan qui en a donné le titre.

T’enlacer me déchire
Mais va
si douce est l’escorte
avec des gestes d’oiseaux des lits de larmes des embruns pour manteau
une bouche d’écume sur tes plaies écorcées
T’enlacer me déchire
Silence les braises
Ma langue s’écorche à tes lames
Mon ventre frotté d’échardes
La cendre a des éclats de verre
Mais va
si douce est l’escorte
Je sais de source sûre
Qu’hier au soir un fleuve est passé là
souple et luisant
ses paumes ont lissé les colères
fermé tes paupières
rafraîchi ton front
il reste un peu de son haleine flottant aux arbres
des flaques comme un ciel de laine
l’eau a des mouvements d’aile auxquels le ciel se plie
[et à voix basse la pluie retient ses soliloques]

Valérie Péan

Image-nécropole d’une verticalité déchue où
l’impudeur de la destruction cède devant l’habillage
de la matière dénudée.
On croise la fixité des formes dévolues à la
consumation et la vivacité éphémère des choses
voilées comme la révélation des contrastes
nécessaires aux soubresauts d’une vie latente.
La brûlure épousée par le tulle nuptial offre la
rédemption du bois décharné par la ressource des
attouchements mobiles et emmêlés : fils tissés entre
la noirceur incongrue et la fragilité mouvante, ces
épousailles pervertissent l’abandon que la matière
éprouve et la rendent maintenant perceptible à l’âme
des illusions.
Troncs ruinés, membres d’une fibre en contrepoint
de la vague proche, désormais arrimés à la certitude
de la fatalité destructrice.
Il fallait qu’un équilibre voulu suggère un ordre
vital, celui qui temporise la disparition, laisse voir
le spectacle d’une souffrance vaincue, convainc de
regarder ce qui sourit encore sous les oripeaux d’une
réalité que l’on peut enfin démasquer et comprendre.

Denis Moullé
Juillet 2014 à propos de l’exposition «T’enlacer me déchire»

Mort
Le feu l’a dévastée
La forêt s’est figée
Vie
Le souffle du vent
La caresse toujours
Regard de femme
Rencontre sensuelle
Branches rugueuses
Quelques voiles
Vent marin pour complice
Magie          Chambre nuptiale ?
Sein voilé
Drap tendu
Corps enchevêtrés
Émouvant nombril
Mystère et volupté
Mouvement ?
Corps en marche
Une maille délicate
Pour entrave
Force de vie
Rêve
La transparence s’épaissit
Enveloppe, dissimule
Nous absorbe

PAZ – 20 juillet 2014
à propos de l’exposition «T’enlacer me déchire»